mood.Tremblante dans ses draps de satin, elle poussa un cri silencieux lorsque les paupières exposèrent ses yeux aux pupilles dilatées. Le cauchemar sous forme de photos floues, le cauchemar tourbillon attirait ses pensées dissimulées ; souviens-toi qu’il lui criait. Mais le silence prenait le pas, gobant sur son passage chaque trace d’une mémoire abîmée. S’accrochèrent au duvet ses doigts agités, se tourna vers la fenêtre son regard asthénique. Le murmure nocturne d’une silhouette familière remua les buissons, dehors. Les pieds, délicats, se posèrent sur le parquet froid et les mains, d’un mouvement précaire, ouvrirent la fenêtre. L’aquilon souffla, la faisant prisonnière du glacier qu’il colportait mais la gamine demeurait impassible et, seuls les restes de son mauvais rêve provoquaient ses membres.
Et si ce n’était pas Effy ? Qu’elle crève, peut l’importait, du moment qu’on taisait les flashs, qu’on éteignait les cris … Dans l’herbe mouillées, elle courut vers le jardin d’hiver où s’était cachée l’ombre, au milieu des papillons et des fleurs exotiques. Défiant les ténèbres de son regard, elle remarqua sa présence.
S o l i t u d e et frustration avaient remplacé les nocturnes contes de son frère. Alors elle avait ouvert de nouvelles portes, traversé des mondes qui la faisait trembler d’une peur jouissive, malsaine. Pourquoi disparaître ? Pourquoi couper le contact ? Disparaître pour aller où ?
D é c e p t i o n face à cette gestion bancale d’une situation de crise. À la maison, personne ne parlait d’Effy, de sa disparition suite à l’incident. Pas même maman. Et Luna, plongée dans un silence préoccupant, se sentait incapable de gueuler les mots que chacun taisait. Elle était pourtant douée pour ça, avant. Douée pour hurler son désaccord, défendre son frère, défendre son cœur, tenir tête. Non pas qu’elle était une bavarde, du genre à trop parler, du genre à tout dire pour ne rien dire, bien au contraire : Luna a toujours su choisir ses mots, a toujours su garder ses pensées sous silence lorsqu’il le fallait.  Gorge nouée, cœur étouffé, elle taisait désormais toutes ses pensées pour ne pas les perdre à nouveau.
Le regard qu’elle adressait à Effy demandait des réponses, des explications, des solutions. Elle ne voulait pas le voir déchu à cause d’une prétendue bêtise, le voir chuter, poussé dans un vide sans fin par les accusations d’un père tyrannique aux idées mal adaptées. Elle y avait pensé, aux conséquences, oui. Sûrement plus que n’importe qui d’autre. Et les échos des voix tonitruantes de ses parents bourdonnaient dans sa tête, perturbant le rythme du battant à bout de souffle.
A bout de souffle, elle était. Lui aussi, il le semblait. Ils l’étaient tous, autour de Luna. Parce qu’elle avait perdu une partie d’elle, il lui semblait qu’autour d’elle, chacun se laissait emporter par une marée différente. Il lui semblait que les jours avaient toujours été triste et sans saveur. Et ces jours passés à Paris ? Elle n’en gardait pour souvenir que la photo prise avec Effy. Tout le reste avait disparu ; les joies et les rires. Elle ne savait plus qui était là, comment elle y était allée, la saveur de l’été, les journées ensoleillées. Effy racontait mais tout lui semblait faussé et rétablir la vérité apparaissait comme une infraction, punie par une mère aux griffes acérées.
Après plusieurs minutes, Luna entreprit de tirer son frère par le bras, dans le but de le traîner de force à travers le jardin jusqu’à sa chambre, inquiète de le voir si peu vêtu et si maigre. Mais aussi désireuse d’entendre sa version des faits.